Le métier d’enseignant·e est unique dans le sens où un individu se trouve seul face à tous ses composants: les attitudes devant un groupe d’appenant·e·s avec leurs besoins et leurs attentes, les choix pédagogiques, les corrections, l’évaluation, les relations avec les parents, la hiérarchie, les collègues, etc. Cette solitude peut être assimilée à de la liberté, de l’individualisme et a d’ailleurs été renforcée par l’épidémie de covid, en raison du recours à l’enseignement à distance, au face-à-face avec une machine et un public virtuel. La liberté pédagogique est fréquemment revendiquée par le corps enseignant, pour diverses raisons, mais elle est souvent associée, de façon négative, à un comportement individualiste ainsi qu’à une réticence à fonctionner en collectif. Cette situation risque aussi d’engendrer un sentiment de solitude, qui peut être positif lorsqu’elle est choisie mais également causer de la souffrance lorsqu’elle est subie. Selon Cartier (2018), “La pratique pédagogique est très souvent un acte solitaire. Une classe, un jour, une heure, un adulte, un public de la maternelle à l’université. Difficile de sortir de ce cercle dans lequel on peut s’enfermer”. Enquêtes et rapports ont mis en évidence ce sentiment de solitude. Yelnik (2016) pose la question : “La solitude des enseignants : se sentir seul ou en capacité d’être seul ?”. Le constat semble encore valide actuellement. Longuet (2022 : 10), dans un rapport au Sénat, souligne que “les enseignants français souffrent d’un sentiment d’isolement et d’absence de collaboration. La France fait partie des pays de l’Union européenne où les enseignants collaborent le moins entre eux”. En parallèle, et comme remède contre l’isolement, les approches qui misent sur le travail de groupe, les projets, la transdisciplinarité, la mutualisation des ressources, des outils et des idées sont plébiscitées par les enseignant·e·s qui ont compris combien les échanges sont enrichissants, même si ce n’est pas toujours simple à mettre en œuvre et à condition que tout le monde “joue le jeu”.
La solitude frappe également le secteur de la recherche, particulièrement en langues étrangères. Réaliser une thèse est l’exemple parfait de l’individualité/individualisme, même celles qui sont effectuées dans des cadres collectifs comme la recherche-action. Pour l’écriture d’articles, l’expérience n’est pas plus confortable car, dans notre domaine, la plupart des contributions est individuelle. Qui dit recherche, dit solitude. Le collectif paraît alors être une utopie et, pourtant, à côté du parcours individuel, il peut y avoir un travail participatif pour l’apprenti·e chercheur·e (Lejeune, 2016), à condition que les échanges puissent fonctionner. Les rencontres et les collaborations éviteront l’isolement et ne seront que bénéfiques.
Le positionnement de l’individu au sein d’un collectif dans l’enseignement et dans la recherche pose de nombreuses questions, mais certains sujets demeurent encore délicats, voire tabous. Il nécessite davantage d’investigations sur les fonctions d’enseigner et le rôle social, les postures des enseignant·e·s, le mal-être et l’affect, etc., ceci de plusieurs points de vue : didactique, pédagogique, psychologique, sociologique. Quelques axes sont proposés :
  • Activités pédagogiques participatives, projets collectifs interdisciplinaires
  • Système(s) éducatif(s)
  • Solitude assumée vs. solitude subie
  • Remèdes individuels/collectifs
  • Prise de risque
  • Atouts et inconvénients de l’ère numérique
Les contributions peuvent se faire en français ou en anglais, sans phase de proposition. Les articles (entre 6 000 et 10 000 mots) aborderont un des aspects de la problématique pour le numéro 41 de la revue Études en didactique des langues et devront respecter la feuille de style disponible à l’adresse http://edl-ple.simplesite.com/438385492. Ils devront être adressés par courrier électronique avant le 30 juin 2023 à edl@lairdil.fr. Le numéro paraîtra en décembre 2023.

Teaching is the only profession I which an individual is alone in all the components of his or her profession: attitudes towards a group of students with their needs and expectations, pedagogical choices, corrections or feedback, evaluation, relations with parents, hierarchy, colleagues, etc. This solitude can be equated with freedom, with individualism, and has been reinforced by the covid epidemic, due to the use of distance learning, face-to-face with a machine and a virtual audience. Pedagogical freedom is frequently claimed by faculty, for a variety of reasons, but is often negatively associated with individualistic behaviour as well as an unwillingness to function as part of a collective. This situation also risks creating a sense of loneliness, which can be positive when chosen but also cause suffering when imposed. According to Cartier (2018), “Pedagogical practice is very often a solitary act. One class, one day, one hour, one adult, one audience from kindergarten to university. It’s hard to get out of this circle in which we can get locked in”. Surveys and reports have highlighted this feeling of loneliness. Yelnik (2016) asks a question which still seems valid today: “Teacher loneliness: feeling alone or able to be alone?”. In a report to the Senate, Longuet (2022: 10) points out that “French teachers suffer from a feeling of isolation and lack of collaboration. France is one of the countries in the European Union where teachers collaborate the least with each other”. At the same time, and as a remedy against isolation, approaches that rely on group work, projects, transdisciplinarity, and the sharing of resources, tools and ideas are acclaimed by teachers who have understood how enriching exchanges are. This is not always easy to implement and requires that everyone “plays the game”.
Loneliness also strikes the research sector, particularly in foreign languages. Doing a thesis is the perfect example of individuality/individualism, even when completed in a collective setting such as action research. Writing articles is not a more comfortable experience because, in our field, most contributions are individual. Research often rhymes with solitude. The collective then seems to be a utopia and yet, alongside the individual journey, there can be participatory work for the budding researcher (Lejeune, 2016), provided that exchanges work out. Encounters and collaborations will prevent isolation and can only be beneficial.
The positioning of the individual within a collective in teaching and research raises many questions, yet some topics still remain sensitive, even taboo. Addressing this requires more didactic, pedagogical, psychological, sociological investigations on the functions of teaching and teachers’ social roles, postures, malaise, affect, etc.
Possible axes are:
- Participatory pedagogical activities, interdisciplinary collective projects
- Educational system(s)
- Assumed solitude vs. suffered solitude
- Individual /collective remedies
- Risk-taking
- Advantages and disadvantages of the digital age
Complete contributions should be sent directly, as there is no preliminary selection of proposals. They may be written in French or English. Manuscripts (between 6,000 and 10,000 words), addressing one of the subjects above, will respect the style sheet available on-line (http://edl-ple.simplesite.com/438385492). The manuscripts should be sent by email before 30 June 2023 to <edl@lairdil.fr> to be published in issue number 41 of EDL/FLLTR in December 2023.

Références / References
Cartier, Jacques. 2018. Solitude du pédagogue face à sa classe. WebPédago. URL: https://leweb pedagogique.com/2018/01/12/solitude-du-pedagogue/.
Lejeune, Caroline. 2016. Le parcours de l’apprenti chercheur, entre solitude et collectif de recherche. Développement durable et territoires 7 : 2. URL: https://doi.org/10.4000/ developpementdurable.11318.
Longuet, Gérard. 2022. Comparaison européenne des conditions de travail et de rémunération des enseignants. Rapport n° 649 fait au nom de la commission des finances du Sénat. URL : https://www.senat.fr/rap/r21-649/r21-6491.pdf.
Yelnik, Catherine. 2016.. La solitude des enseignants: se sentir seul ou en capacité d’être seul ? Cliopsy 16, 41-54.
Dates
Créé le 11 octobre 2021